lundi 6 mars 2017

Billets-Juppé jette l’éponge, Fillon se trumpise


Juppé jette l’éponge, Fillon se trumpise

Les désertions multiples en rase campagne enregistrées cette semaine contribuent à construire la légende d’un candidat seul contre une technostructure en pleine déconfiture.

Alain Juppé vient de jeter à nouveau l’éponge dans la course à la présidentielle. Il a prononcé, à cette occasion, un discours désobligeant pour le candidat officiel, François Fillon. En creux, tous ceux qui l’ont entendu ont compris que Juppé appelait de ses vœux une candidature alternative, pour laquelle beaucoup murmurent le nom de Baroin. Dans la pratique, rien n’exclut que François Fillon ne parvienne à retourner ces lâchages en une force.

Fillon trumpisé par Juppé
Depuis plusieurs semaines, cet étrange phénomène politique apparu en 2016, la trumpisation, guettait François Fillon. À la manière de Trump renforcé, durant sa campagne, par la guerre que lui a livré l’establishment républicain. Souvenons-nous, d’ailleurs, que, à l’instar de Fillon, Trump était menacé de destitutions à quelques jours du scrutin par les dirigeants de son propre camp.
Incontestablement, un phénomène identique est en train de se produire autour de Fillon. Les désertions multiples en rase campagne enregistrées cette semaine contribuent à construire la légende d’un candidat tribunicien seul contre une technostructure en pleine déconfiture.

L’esprit de 40 triomphe à droite
Paradoxalement, la grande force de François Fillon réside aujourd’hui dans l’affolement de son propre camp. Plus les généraux abandonnent la bataille et leur armée, plus le général en chef apparaît comme l’ultime rempart contre l’effondrement des officiers supérieurs.

Pour le « peuple de droite », ce moment est d’abord celui d’une révélation. L’élite des Républicains dévoile ses cartes. Bien avant la victoire d’un programme, c’est la volonté de préserver les acquis qui dominent, et la peur de livrer bataille. L’esprit de 40 s’incarne, et pour beaucoup de militants, cette incarnation laissera des traces. C’est un peu Vercingétorix lâché par ceux qui n’étaient pas encore les Bourguignons pendant Alésia. C’est l’état-major qui préfère l’armistice au combat en juin 40.

Les abandons officiels métamorphosent Fillon
Ainsi, presque malgré lui, Fillon retrouve aujourd’hui la geste qui a fait sa victoire de novembre. Donné battu, seul dans une traversée improbable du désert, c’est au peuple de France qu’il s’adresse directement dans un huis clos dont ses soutiens se sont abstraits. L’homme qui paraissait embourbé dans une campagne poussive, privé de ressort, se métamorphose dans l’épreuve. Il incarne la résistance face au poids étouffant d’une technostructure veule, changeante, obsédée par ses propres privilèges.

Et c’est probablement ce que n’ont pas compris ses soutiens qui l’abandonnent : au fond, ces départs, les électeurs les souhaitent et se disent tous aujourd’hui que la solitude grandissante de Fillon est la meilleure preuve de la justesse de son combat.

Une présidentielle à l’américaine ?
Dans les prochains jours, le schéma de la présidentielle devrait donc être posé. D’un côté, les candidats soutenus par leur parti. De l’autre, un candidat désavoué par son appareil et dans une relation unique avec le peuple. Si Fillon avait voulu jouer ce rôle, il n’y serait pas parvenu lui-même. Il a fallu la conjonction d’une cabale médiatique, d’une instruction judiciaire et d’une conjuration interne pour façonner cette mise en scène.

Source contrepoints.org
Par Éric Verhaeghe.


Éric Verhaeghe est président de Triapalio. Ancien élève de l'ENA, il est diplômé en philosophie et en histoire. Écrivain, il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Il anime le site "Jusqu'ici tout va bien"
http://www.eric-verhaeghe.fr/

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