lundi 3 avril 2017

Billets-Macron : Giscard 2 ou Chaban bis ?


Macron : Giscard 2 ou Chaban bis ?

Les politologues comparent souvent Emmanuel Macron à Giscard. Pourtant, l’ex-ministre des Finances tient davantage d’un Chaban-Delmas ou d’un Lecanuet, que de l’ancien Président de la République.

La présidentielle de 2017 sera peut-être la plus ouverte depuis 1974. Une campagne qui vit s’opposer Giscard d’Estaing à Chaban-Delmas. Le premier conquit l’Élysée, l’autre resta sur le perron. L’un avait le bon Parti, l’autre de belles idées. Aujourd’hui, leur héritier se nomme Emmanuel Macron. Mais, malgré la ressemblance que certains lui trouvent avec VGE, sa méthode et son avenir sont, en réalité, plus proches de ceux de Jacques Chaban-Delmas.
Macron, clone de Giscard ?
Macron « travaille par la séduction » explique Alain Duhamel, avant d’ajouter : « ça me fait beaucoup penser à Valéry Giscard d’Estaing, au même âge ».

Ces deux hommes représentent, en effet, de parfaits aristocrates républicains : même formation (ENA, Inspection des Finances), même trajectoire météorique aux mêmes fonctions, même attitude de franc-tireur anticonformiste. Ne manque plus à Macron que la calvitie prématurée.

Mais cette ressemblance est trompeuse. Car Emmanuel Macron se rapproche, dans le fond, d’un autre homme politique, lui aussi issu de l’Inspection des Finances : Jacques Chaban-Delmas.
Communion de pensée
Leur passé diffère, mais leur pensée converge. Sauriez-vous distinguer qui, de Macron ou Chaban, a dit : « la société (est) bloquée par la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l’État, l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales » ?

Cela fut prononcé dix-huit mois après mai 68, par Chaban, décrivant son projet de Nouvelle Société, inspiré par son conseiller… Jacques Delors.

Un discours que l’on retrouve, presque mot à mot, dans la bouche du créateur d’En Marche : « (je veux) réformer une société bloquée qui nourrit les populismes » et, pour cela, il faut « casser des corporatismes, des rigidités ».

D’ailleurs, ce titre – En Marche – ne lui aurait-il pas été inspiré par un autre démocrate-chrétien, Jean Lecanuet, dont le slogan pour la présidentielle de 1965 fut : « un homme neuf, une France en marche » ? À l’époque, Lecanuet s’autoproclama le Kennedy français. En 1974, c’est au tour de Chaban d’occuper le créneau du « bel homme nouveau ». Il sera d’ailleurs rebaptisé Charmant Delmas par Le Canard Enchaîné. Comme lui, Macron est télégénique, avec son physique de jeune premier. Il a ce pas alerte et cette même manière sportive de monter en scène.
Au-delà des partis
Les deux hommes ont le même rapport aux structures partisanes. Depuis Bordeaux, Chaban-Delmas claironnait que « le clivage droite/gauche est artificiel » et se moquait des étiquettes. À l’été 1971, il déclare au Monde : « du socialisme, nous en faisons tous les jours ». Une petite phrase qui aura le même effet sur sa famille politique que celle prononcée, l’été dernier, par Emmanuel Macron : « l’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste ».

Chaban irrite les gaullistes autant que Macron exaspère le PS ; conséquence, Chaban sera démissionné par Pompidou, pour qui : « il meurt de peur d’être classé à droite, il veut néanmoins plaire à tout le monde et être aimé. » Une pensée que François Hollande pourrait tout à fait confier à un journaliste, après avoir remplacé « droite » par « gauche », évidemment.

Au lancement de la campagne de 74, Jacques Chirac, alors puissant ministre de l’Intérieur, prédira au centriste Chaban : « vous êtes un mauvais candidat. Si vous y allez, Giscard se présentera aussi et vous passerez à la trappe ». Mettant sa menace à exécution, Chirac saborda le candidat UDR, retournant les grands élus du Parti contre leur propre candidat. Cet assassinat politique prit la forme du fameux « appel des 43 ». L’effet fut immédiat : lâché par l’appareil militant, Chaban-Delmas disparut progressivement de la campagne, au profit de VGE, finalement victorieux.
Or ou plomb ?
Emmanuel Macron prend le risque de n’être « qu’une sorte de parenthèse », pour reprendre les mots de Jacques Delors à propos du programme de Nouvelle Société ?
Privé d’une véritable machine politique, sans parti de militants, ni réseau d’élus, Emmanuel Macron subira-t-il les mêmes échecs que Lecanuet en 1965 et Chaban en 1974 ? Eux ne dépassèrent pas la barre des 15% des voix. Rejoindra-t-il François Bayrou et Nicolas Dupont-Aignan parmi les exceptions qui confirment la règle de la bipolarisation ? L’histoire de la Ve République est peuplée d’alternatives… toutes avortées.

Sans un Jacques Chirac à ses côtés, celui qui n’était encore que conseiller élyséen il y a deux ans, a peu de chances de conquérir l’Élysée. Manuel Valls aurait pu jouer ce rôle, en retournant le PS contre Hollande, le plaçant à son service. Mais, pour l’éditorialiste Maurice Szafran, « l’affrontement Valls-Macron se révèle d’une stupéfiante violence. » Dès lors, tout repose sur les épaules de Gérard Collomb, Sénateur-Maire de Lyon et parrain d’En Marche. Lui seul semble capable d’apporter à son poulain l’assise politique nécessaire pour réussir au tour de force qu’il prépare.


Source contrepoints.org
Photo Emmanuel Macron crédits Ecole polytechnique Université Paris-Saclay (CC BY-SA 2.0)
Par Jacques Tibéri.

Jacques Tibéri

Juriste de formation, journaliste par vocation, Jacques Tibéri a fondé un webzine d’infotainment généraliste, le zincmagazine.fr, avant de se spécialiser dans les questions de société et de modes de vie.

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