dimanche 13 janvier 2019

Billets-L’obscurantisme a un brillant avenir


L’obscurantisme a un brillant avenir

Le combat contre l’obscurantisme et le charlatanisme est assurément sans fin. Mais certains événements récents prennent une tournure inquiétante. En voici trois exemples.

1. La Commission européenne est sommée de se séparer de ses conseillers scientifiques.

Le 22 juillet 2014, neuf organisations de l’écologie politique ont demandé au nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de supprimer le poste de conseiller scientifique en chef afin que la Commission « prenne ses conseils d’une variété de sources indépendantes et multidisciplinaires »… Les signataires comprennent notamment Greenpeace et la Fondation Sciences Citoyennes. Il est à craindre qu’une nouvelle étape soit franchie en Europe dans la désinformation en matière scientifique.

2. Des messages alarmants sur les dangers allégués des « ondes » s’infiltrent jusque dans les « conseils » donnés aux femmes enceintes, parfois assortis de publicités mensongères pour d’illusoires protections.

Lorsqu’une femme déclare sa grossesse, elle reçoit un « pack » avec des produits de puériculture et un petit livret « happy baby ». Dans ce livret figure une mise en garde contre « les ondes électromagnétiques » (page 33) au même titre que le tabac ou l’alcool, ainsi qu’une publicité pour le « vêtement de grossesse anti-ondes Bellyarmor ».

Bien entendu, il n’y a pas de raison de faire peur aux femmes enceintes avec un danger inexistant ou, en tout cas, non avéré. Malheureusement, elles représentent une cible privilégiée des vendeurs de prétendues protections en tout genre qui s’appuient sur des sources farfelues ou aussi peu fiables que le rapport « bioinitiative 2013″.

3. Des gourous et guérisseurs vendent leurs recettes parfois dangereuses dans les écoles, voire les hôpitaux.

Ainsi, une magnétiseuse place des aimants qui « tuent les micro-organismes responsables des pathologies ». Elle prétend guérir « avec grand succès » sida, méningite, diabète, pneumonie, infertilité, etc., et elle désintègre sans peine les tumeurs cancéreuses.

D’autres dissolvent des maladies par téléphone en récitant une suite de mots, ou remplacent des vertèbres avec des outils invisibles.

Certains délivrent même des diplômes, comme le Californien Eric Pearl, ex-chiropraticien, qui jure avoir « activé » plus de 60 000 mains pour leur donner « de nouvelles fréquences » afin de « devenir des catalyseurs de guérisons ».

Imposer les mains et parler peut soulager une détresse psychologique mais il faut rester très prudent dans l’ouverture aux approches complémentaires.

Le divorce des élites politiques et, plus sournoisement, des faiseurs d’opinions que sont les journalistes, d’avec la connaissance scientifique est à la base d’une défiance des citoyens vis-à-vis de la science. Chacun a le droit de donner un avis à la condition expresse de ne pas avoir de compétence pour le faire. Ainsi, tout le monde peut avoir un avis sur le nucléaire sauf les physiciens qui, forcément, appartiennent au lobby nucléaire. Il en va ainsi pour les vaccins et les médecins, pour les OGM et les biologistes, ou pour le gaz de schiste et les professionnels des forages pétroliers.

La dimension scientifique et technique des décisions nécessitent de plus en plus de l’expertise. Sa dévaluation, voire sa disqualification, est un danger pour l’équilibre de notre société.

Une lueur d’espoir nous vient de l’étranger : la BBC a décidé de ne plus inviter de charlatans lors des débats scientifiques et de former ses journalistes à la démarche scientifique.

Mais en France, pays de Descartes, faut-il s’étonner que des décideurs et des instances officielles soient si déboussolés par la cacophonie ambiante qu’ils en perdent leur bon sens ? Ou pire, qu’ils y contribuent en favorisant l’intrusion des idéologies dans les agences de santé, de l’énergie (comme l’ADEME) imprégnée d’un parti-pris antinucléaire), ou dans des programmes de recherche sous couvert « d’ouverture à la société civile ».

L’obscurantisme fondé sur le discours de peur et le rejet de la science a encore en France un brillant avenir.

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