mardi 26 décembre 2017

Billets-Réseaux sociaux…


Réseaux sociaux… les jeunots à la rescousse des seniors

De plus en plus d’entreprises demandent aux jeunes employés d’aider leurs collègues dans l’utilisation des réseaux sociaux. Non sans difficulté.

Entre les jeunes d’une vingtaine d’années familiers des réseaux sociaux et les cadres d’un âge plus avancé, fâchés avec la technologie, la fracture numérique sur les lieux de travail est de plus en plus grande. Pour remédier à ce problème, un nombre croissant d’entreprises recourent au “tutorat inversé” en faisant travailler de jeunes employés avec des collègues plus âgés pour développer les compétences technologiques de ces derniers.

Les binômes ne fonctionnent pas toujours : ils peuvent être intimidants pour les jeunes tuteurs et embarrassants pour leurs aînés, parfois gênés de révéler leur faible niveau de connaissances. Rebecca Kaufman, une community manager de 24 ans qui est chargée de communication numérique chez MasterCard depuis deux ans raconte qu’elle a été “terriblement intimidée” quand on lui a demandé d’être la tutrice d’un cadre supérieur de 50 ans, Ron Garrow.

La jeune femme fréquentait les réseaux sociaux depuis une dizaine d’années, mais la perspective d’aider un cadre de haut niveau à se familiariser avec ces nouvelles technologies était assez effrayante. Deux rencontres, l’une en décembre et l’autre en janvier, ont eu lieu dans le bureau du senior. Le cadre a facilement accepté la première proposition de sa tutrice : augmenter la fréquence de ses visites sur le réseau LinkedIn en s’y rendant non plus chaque semaine mais chaque jour, et commencer à partager des articles avec ses contacts.

Mais il a été plus réfractaire à l’idée d’utiliser Twitter. L’importance d’éviter toute déclaration publique pouvant s’avérer dangereuse était d’autant plus ancrée en lui qu’il avait travaillé dans deux grandes compagnies bancaires pendant vingt-six ans avant de rejoindre MasterCard en 2010. Dans ce milieu, les cadres supérieurs devaient “obtenir une multitude d’approbations” avant de pouvoir s’exprimer en public. “Psychologiquement, les 140 caractères étaient aussi très intimidants”, précise Ron Garrow.

La jeune femme l’a encouragé à surmonter ses réticences en lui présentant Twitter comme “un univers entièrement nouveau, qui vous permet d’avoir des contacts avec tous les gens qui vous intéressent”. Quand elle lui a demandé “Comment souhaitez-vous vous positionner sur le réseau ?” il n’a pas su quoi répondre. Père de quatre enfants âgés de 14 à 26 ans, Ron Garrow s’est dit avec humilité : “Elle a 24 ans, l’âge de mes enfants, et je dépends totalement d’elle.” Comprenant que la réputation de ce cadre supérieur était en jeu, Rebecca a fait quelques recherches pour l’aider à identifier des experts en ressources humaines et des auteurs influents sur les réseaux sociaux.

Ron Garrow a ouvert un compte Twitter, a créé son profil et s’est exercé à utiliser le site. Sa tutrice l’a aidé à formuler ses premiers tweets. Lors d’une visite à l’université du Michigan, en juin, il a voulu twitter une photo d’un collègue et de lui-même en compagnie d’étudiants de MBA. Il a envoyé à la jeune femme un courriel sibyllin renfermant la description, rédigée à la hâte, d’une opération complexe – la simulation par des étudiants d’une séance d’information organisée par une entreprise pour des investisseurs –, en ajoutant ces mots : “Je voudrais le twitter, mais je ne sais pas comment.” Elle lui a proposé une autre formulation, lui-même a réécrit le message et a twitté la photo en quelques minutes.

  • Premiers pas sur Twitter
A l’issue de cinq mois de collaboration, Ron Garrow totalise 2 352 contacts sur LinkedIn, vérifie son compte Twitter 8 à 10 fois par jour, suit les comptes de 109 utilisateurs et envoie une cinquantaine de tweets par mois. Rebecca l’a félicité quand il a dépassé les 400 followers et elle a salué le score supérieur à la moyenne de 45 qu’il a obtenu sur Klout, un site de classement des utilisateurs en fonction de leur influence sur les réseaux sociaux, en soulignant : “C’est presque la moitié de celui d’Obama.” Elle continue néanmoins de l’encourager à twitter sur des sujets personnels. Le cadre avoue que sa fille Clare, 14 ans, trouve ses tweets ennuyeux.

Mais, selon lui, le partage d’informations personnelles en ligne “nous place dans des situations inconfortables”. Récemment, lors d’une sortie à New York avec sa femme Dana, il a commencé à rédiger un tweet mais s’est aussitôt interrompu car il n’était “pas encore prêt à franchir cette ligne”. Le binôme a eu à surmonter des différences générationnelles. Dernièrement, alors qu’ils rentraient en voiture d’une conférence, Rebecca était en train de travailler sur son Smartphone quand Ron Garrow a entamé une conversation sur la carrière de la jeune femme. Après avoir discuté un moment avec lui, elle s’est penchée à nouveau sur son téléphone.

Elle reconnaît avoir apprécié l’intérêt qu’il lui portait et n’a pas remarqué sa gêne. De son côté, le cadre a trouvé que le comportement de Rebecca “était un peu maladroit”. A l’âge de la jeune femme, il aurait cherché à faire bonne impression sur un cadre supérieur. “Je me suis dit qu’elle se conduisait exactement comme ma fille, quand elle monte dans la voiture et qu’elle ne me parle pas, occupée à envoyer des textos à ses copines, à regarder son compte Instagram ou à aller sur Facebook”, dit-il. Résigné à rencontrer des différences dans le mode de travail et les relations avec les supérieurs, il s’est dit : “Eh bien, moi aussi, je vais consulter mon iPhone.”


Dessin de Mix & Remix paru dans L’Hebdo, Lausanne.
Source Courrier International

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire