mardi 3 juin 2014

Billets-Syrie… élection mascarade


Syrie… élection mascarade

Cette présidentielle que Bachar El-Assad a tenu à organiser n’est qu’une farce électorale, alors que plus de la moitié du pays échappe au régime et que 9 millions de Syriens sont réfugiés ou déplacés.
 
La décision de Bachar El-Assad d’organiser une nouvelle élection présidentielle est sans doute plus brutale pour les Syriens que la répression sauvage que son régime mène contre eux.

Car la violence déchire leur corps mais respecte leur cerveau, alors que cette farce électorale est une humiliation sans pareille. La brutalité pure suppose que les Syriens sont forts et doivent être anéantis, tandis que les prendre pour des imbéciles relève d’une volonté de les réduire à moins que rien. Ce mépris s’affiche clairement dans la candidature de Bachar El-Assad à la présidence de la République, vécue comme une blague grossière. Et le rire est en effet la seule réponse que mérite cette mascarade.

D’autant qu’Assad s’est présenté comme le septième candidat parmi 24 au total, avant que la Cour constitutionnelle n’en valide finalement que 3, dont celle de Bachar Hafez El-Assad. Il est certain que le fonctionnaire chargé de rédiger et de diffuser la liste des candidats a grincé des dents et tenté de demander à ses supérieurs de le dispenser de cette responsabilité. Car si demander l’autorisation de se présenter n’irrite pas Bachar, elle fait se retourner de colère Hafez, son père, dans sa tombe.

L’événement est donc une blague en soi, un sujet de plaisanterie exemplaire. Mais c’est devenu hélas un fait réel qu’il faut traiter avec sérieux. Avec sa nouvelle “démocratie”, Assad pousse la délicatesse jusqu’à encourager des commentateurs et des observateurs parmi ses partisans, en Syrie et au Liban, à participer à l’opération de crétinisation en se demandant en toute naïveté, dans des émissions de télévision, si [une telle élection, avec trois candidats, “démocratique”] ne constituerait pas une première en Syrie depuis cinquante ans.

La stupéfaction de ces observateurs ne serait pas plus grande s’ils assistaient à la résurrection du Christ trois jours après sa crucifixion, accompagnée d’éclairs et de coups de tonnerre, exactement telle que les chrétiens se la figurent. On suggère implicitement qu’une main obscure a empêché la tenue d’élections pendant longtemps et qu’Assad s’est rebellé contre cette force, qui pourrait être l’impérialisme et le sionisme. Toutefois, même une mémoire affaiblie se souvient que le parti Baas gouverne la Syrie depuis 1963 et que Hafez El-Assad lui-même l’a dirigée pendant trente ans à partir de 1970, avant d’offrir la présidence à son fils Bachar.

Le régime considère donc son peuple avant tout comme un imbécile facile à tromper. Sauf qu’il demande aujourd’hui à cet imbécile, qui n’a pas été consulté depuis cinquante ans, de s’exprimer en votant. Comme si le résultat du scrutin n’était pas connu d’avance. Et comme si des millions de Syriens tués, expulsés et déplacés par Assad n’étaient pas hors d’état de voter. Le fond du message n’est pas seulement le mépris pour les Syriens, mais surtout le mépris pour les principes universels. Le régime dit en substance : vous voulez des élections ? En voici, et avec des concurrents pour M. le Président.

Quant à l’idée initiée par la Grèce antique appelée “démocratie”, nous pouvons la reformuler nous-mêmes, perchés sur un pied, entre deux tueries. Tout peut être préparé comme un repas rapide, au mépris des centaines d’ouvrages sur les règles de la démocratie. Il s’agit là d’un message de profond dédain pour le monde, invité à croire que la démocratie est née en Syrie entre deux barils d’explosifs. Cet excès d’assurance rappelle le régime de la Corée du Nord. L’isolement et le délire, qui amènent un dirigeant à se moquer tout à la fois de son peuple, du reste du monde et des principes universels, conduisent finalement le chef lui-même à passer pour un crétin.

Dali, œuvre de la série “The Syrian Museum”, de l’artiste syrien Tammam Azzam, actuellement exposé à l’Institut des cultures d’Islam.

Source Courrier International

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