vendredi 16 mai 2014

Billets-Qui veut effacer son passé numérique ?


Qui veut effacer son passé numérique ?

La Cour de justice européenne a estimé le 13 mai que les moteurs de recherche devront effacer certaines données à la demande d'un usager si ces informations nuisent à son honneur. La presse internationale réagit.
  
Accusé d'assassinat, Miguel Carcaño purge à Séville une peine de prison de vingt et un ans et trois mois. Jusqu'à maintenant, tout le monde avait accès à cette information en cherchant son nom sur Google. "Imaginons qu'il demande, en sortant de prison, la suppression de tous les résultats faisant référence à son dossier pénal, arguant qu'ils nuisent à son droit à la protection des données personnelles. Le feriez-vous ? Oui d'après la Cour de justice européenne.

La décision judiciaire controversée prise à Luxembourg attaque le fondement même d'Internet. (...) La recherche est l'outil fondamental d'Internet, un outil de lien. On dirait que les juges n'ont pas compris comment fonctionnait Internet. Et ils doivent expliquer aussi pourquoi ils privilégient le droit à l'honneur par rapport à celui à l'information", écrit le quotidien espagnol El Mundo.

La réaction de ce journal est partagée par plusieurs titres. Ce qu'il faut comprendre, estiment-ils, c'est le fonctionnement technique d'Internet et des moteurs de recherche : la capacité de relier des contenus préexistants en les indexant et les proposant de manière ordonnée aux usagers d'après les mots clés introduits.

  • Google, le gardien du droit à l'oubli ?
"Google en tant que moteur de recherche ne créé ni ne détruit des contenus. Il les relie. Pourtant, on demande à Google qu'il devienne le gardien du droit à l'oubli. Au-delà de la difficulté pratique de sa mise en place, cette décision pourrait créer un antécédent limitant la liberté d'information ou d'expression", écrit El País.

Pour le britannique The Independent, cela pourrait s'avérer un moyen utile pour refaçonner notre empreinte digitale, alors que les défenseurs de la protection de l'information y voient une victoire contre les puissants géants de l'Internet. "Le principe est intéressant au niveau personnel, mais déstabilisant de manière générale. On ne peut qu'espérer que la défense du droit individuel de modifier son empreinte digitale n'empiète pas trop sur le web et filtre ainsi les informations légitimes d'intérêt public".

  • Attention, purge !
Le portugais Público salue la décision mais évoque le même problème : "La décision de la Cour de justice est historique et à la fois insuffisante pour empêcher que les erreurs du passé présentes dans le monde virtuel ne viennent assombrir notre futur dans la vie réelle. Mais elle peut limiter les dommages." "Jusqu'à quel point la société a-t-elle le droit de connaître le passé délictueux ou illicite d'un citoyen ? Le débat reste ouvert", conclut le quotidien catalan La Vanguardia dans son éditorial.

Côté américain, les réactions au jugement de la Cour européenne de justice sont nombreuses et fortes. "Cette nouvelle décision change la donne pour les entreprises américaines", titre le quotidien USA Today. Il en résultera "des changements fondamentaux dans le domaine de la protection de la vie privée, mais aussi dans l'économie de l'information de manière générale", déclare au journal Trevor Hughes, président de l'Association internationale des experts de la protection de la vie privée.

"Le désir de permettre aux gens d'effacer des informations embarrassantes est compréhensible, mais la décision de la Cour de justice européenne pourrait fragiliser la liberté de la presse et la liberté d'expression", estime le New York Times dans son éditorial. Demander aux moteurs de recherche de supprimer des millions de liens des résultats de recherche pourrait avoir de fâcheuses conséquences. "Avec une telle purge, les Européens pourraient être moins bien informés ; les journalistes et dissidents auront peut-être plus de mal à faire entendre leur voix", écrit le journal.

 Dessin de Cost
Source Courrier International

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