jeudi 26 octobre 2017

Billets-Kennedy, un président tombé de son piédestal


Kennedy, un président tombé de son piédestal

Cinquante ans après la mort de JFK à Dallas, sa place dans l'histoire américaine a été revue à la baisse. Désormais, les manuels destinés aux lycéens mettent beaucoup plus en avant les ratés de sa présidence.

Le Président Kennedy présenté aux élèves d'aujourd'hui n'a pas grand chose à voir avec celui de leurs grands-parents. Dans un manuel de lycée édité sous la direction de John M. Blum en 1968, Kennedy est dépeint comme un héros tragique, fauché par le destin alors qu'il œuvrait à la transformation de la société et qui, en à peine 1 000 jours de mandat, avait su "raviver l'idée d'une Amérique jeune, aventureuse et progressiste, envisageant l'avenir avec confiance et espoir".

Au milieu des années 80, l'enthousiasme était retombé et Kennedy n'avait plus la même stature. Dans un manuel de 1987 sous la direction de James A. Henretta, les auteurs condamnent la "mythification" de la présidence Kennedy et rappellent que les espoirs soulevés par le candidat ne se sont soldés que par "de maigres avancées législatives".

Pour les étudiants américains, la première leçon approfondie sur le 35ème Président (et souvent la dernière) vient des manuels de lycée. Et à la veille de l'anniversaire de son assassinat il y a 50 ans, une relecture de la vingtaine de manuels écrits depuis sa mort révèle un portrait de moins en moins élogieux au fil des ans.

  • Manque de vigueur
On passe ainsi d'un jeune président charismatique ayant inspiré les jeunes du monde entier à un chef d'Etat profondément imparfait, dont les talents oratoires ont largement dépassé les réalisations. L'attention accordée à la crise des missiles à Cuba a diminué, ainsi que le respect qu'on lui vouait pour avoir évité la guerre. Les échecs du président au Congrès et l'engagement croissant dans le conflit du Vietnam sont davantage mis en avant. Le glamour de l'ère Kennedy a cédé la place à la réalité.

"La véritable stature d'homme d'Etat de Kennedy s'est révélée" lors de la crise des missiles cubains, peut-on lire dans un manuel de 1975 rédigé par Clarence Ver Steeg et Richard Hofstadter, A People and a Nation ["Un peuple et une nation", non traduit]. Sur la question des droits civiques, écrivent ces auteurs, "son administration n'avait pas reçu le soutien du Congrès". Pourtant, ajoutent-ils, "la ségrégation a disparu en grande partie des bus, des hôtels, des motels et des restaurants" sous sa présidence. Ce qui est faux : ces changements ont eu lieu pour la plupart après la ratification de la loi sur les droits civiques par son successeur, Lyndon B. Johnson, en 1964.

Dans un ouvrage du même titre paru en 1982 et encore très utilisé aujourd'hui, Mary Beth Norton et ses collègues adoptent une approche complètement différente. Kennedy "a mené le combat pour les droits civiques avec un évident manque de vigueur", écrivent-ils. Ils le jugent également responsable de la crise des missiles, expliquant que la crainte cubano-soviétique d'une invasion avait été nourrie par le débarquement de la Baie des Cochons en 1961 et par d'autres opérations agressives des Etats-Unis contre Cuba.

  • Sa cote a dégringolé
Diverses raisons expliquent ce changement de regard. Quand la génération du Vietnam s'est retrouvée aux commandes des manuels scolaires, l'implication de Kennedy dans la guerre a commencé à être davantage mise en avant. L'ouverture des archives audios de la Maison Blanche, qui a débuté en 1984, a révélé un politicien froid et calculateur, et non le président idéaliste et l'ardent défenseur des droits civiques que les Américains se représentaient.

Enfin, les années 80 ont marqué un tournant dans les manuels d'histoire. L'ancienne approche consistait à mettre en avant les réussites de l'histoire américaine, explique Gilbert Sewall, directeur du Comité des manuels scolaires américains (ONG chargée de vérifier le contenu des manuels). Selon lui, dans les années 80, on est passé à une relecture de l'histoire plus critique, faisant plus de place aux injustices telles que les mauvais traitements infligés aux Indiens, mais aussi aux facettes moins reluisantes de ceux considérés auparavant comme des héros.

Ce renversement, renforcé par la diffusion de portraits peu flatteurs dans la presse, la littérature et la télévision, a sans doute contribué à déboulonner le mythe Kennedy. Considéré autrefois par les Américains comme l'un des plus grands présidents des Etats-Unis, sa cote a dégringolé ces dernières années. Selon un récent sondage du New York Times, il n'arrive qu'en quatrième position parmi les plus grands présidents américains avec seulement 10 % des suffrages, derrière Ronald Reagan, Lincoln et Bill Clinton.

La vision des manuels n'a pas varié sur certains aspects de la présidence Kennedy. Les ouvrages scolaires continuent à louer le programme spatial, tandis que le débarquement raté de la Baie des Cochons a toujours été qualifié de "fiasco". De nombreux manuels des différentes époques, même ceux qui sont très critiques à l'égard du Président, reconnaissent que Kennedy fut un dirigeant qui a fait rêver les Américains. Plus que son bilan politique, c'est cette aura qui demeure aujourd'hui.

La tombe de John F. Kennedy au cimetière national d'Arlington. DaKohlmeyer/CC/Flickr
Source Courrier International

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