mardi 12 novembre 2013

Billets-Comment «sauver» Hollande ?


Comment « sauver » Hollande ?

Que faire ? Oui, que faire ? Telle est la question qui agite les stratèges de l’Elysée et dont nous vous donnerons quelque écho. Les conseillers du président, de même que sa garde rapprochée, lui suggèrent différentes solutions. Car la situation est grave, elle est même sans précédent sous la V éme République : jamais un hôte de l’Élysée n’a affronté une cote de confiance aussi basse moins de deux ans après son accession au pouvoir.
La révolte ne gronde pas seulement en Bretagne mais dans tout le pays ; toutes les catégories sociales, ou presque toutes, sont mécontentes, parfois pour des motifs divergents, le plus souvent pour le même : la pluie d’impôts et les avalanches de taxes qui ne cessent de nous tomber dessus. Mais le pire est que la fronde touche la majorité présidentielle, y compris les élus de gauche. Non seulement Samia Ghali, sénateur socialiste, a laissé huer Hollande et Ayrault le soir des primaires marseillaises où elle a été battue mais, à son retour au Palais du Luxembourg, elle a été applaudie sur les bancs de la gauche, y compris ceux du groupe socialiste ! De leur côté, les Verts ont appelé les lycéens à manifester contre le gouvernement où siègent pourtant deux des leurs, récidivant en participant aux manifestations en Bretagne contre ce même gouvernement.
Sans compter que, au Sénat, de plus en plus nombreux sont les projets de loi repoussés par la gauche après avoir été approuvés en première lecture au Palais Bourbon.
N’évoquons que pour mémoire les conflits publics entre ministres et les reculades successives du gouvernement : c’est le pain quotidien d’un pouvoir incompétent et qui improvise à chaque instant en fonction des rapports de force du moment.
Or, que fait Hollande ? Rien. Il fait les gros yeux mais ne sévit jamais. Il semble être le spectateur d’une situation qui le dépasse. Il ne maîtrise plus rien. Le pays s’enfonce dans la crise, alors que d’autres – c’est le cas de l’Espagne et même celui de la Grèce – commencent à discerner le bout du tunnel. Il faut donc faire quelque chose pour arrêter cette dégringolade. Les députés de gauche, qui se font insulter quand ils retournent dans leur circonscription, en sont les premiers convaincus. Un hebdomadaire soutien de toujours de Hollande, Le Nouvel Observateur, posait la question à sa « une » en septembre 2012, avec la photo du président et de son gouvernement : « Sont-ils nuls ? ». Un an plus tard, le même journal écrit : « Aujourd’hui, la seule retouche à cette manchette serait d’enlever le point d’interrogation ». Ainsi les rats quittent le… « pédalo ».


  • Oui, que faire ?
Un remaniement ? Ce ne serait pas un « remède » à la mesure de la crise qui frappe le pouvoir, dit-on à l’Elysée. C’est un fusil à un coup. Que ferait-on après des municipales et des Européennes catastrophiques si l’on a déjà tiré cette cartouche ? L’effet d’un remaniement sur l’opinion ne dure que deux ou trois semaines tout au plus et personne ne serait bouleversé par le limogeage de quelques ministres dont ils ne soupçonnent même pas l’existence ! Sauf… sauf si Ayrault lui-même était remercié, à condition de le remplacer par un premier ministre à poigne qui remettrait de l’ordre dans cette abbaye de Thélème qu’est devenu le gouvernement. Mais, là, deux obstacles surgissent.
Le premier est qu’un tel chef du gouvernement ferait de l’ombre au président puisque celui-ci lui confierait une mission qu’il est incapable d’assumer lui-même, confessant ainsi son impuissance. Au moins avec Ayrault, de ce côté-là, il est tranquille : il est aussi falot que lui.
Le second étant que, finalement, ceux qui peuvent « faire le job » ne sont pas si nombreux que ça. Valls ? Ce serait l’insurrection de son aile gauche. Fabius ? Un revenant qui donnerait un coup de vieux aux électeurs.
Aubry ? Depuis que Hollande lui a préféré Ayrault en 2012, elle s’est repliée sur le beffroi de Lille et ignore superbement Hollande, quand elle ne s’en moque pas en privé. En outre, elle serait une redoutable rivale si elle se lançait dans la course pour lui succéder en 2017. Reste la « solution » d’un inconnu venant de la société civile, un économiste, du genre Raymond Barre, mais les Français sont aussi en guerre contre les technocrates et autres experts qui maîtrisent les chiffres mais ignorent les hommes.
Il a encore à sa disposition l’arme ultime : une dissolution suivie de nouvelles élections. Ce serait en effet l’attitude la plus logique et la plus « républicaine ». Quand il existe un tel fossé – que dis-je : un abîme ! – entre le pouvoir et l’opinion, il faut en appeler au peuple. Evidemment, les socialistes seraient largement battus ! « Nous reviendrions avec 100 députés », assure Bartolone, président de l’Assemblée nationale, contre près de 300 maintenant. On songe spontanément au précédent de 1997 qui vit Chirac dissoudre imprudemment l’Assemblée nationale pour se retrouver ensuite avec Jospin à Matignon.
Oui, mais ce n’est pas à ce désastreux épisode-là que les machiavels élyséens songent mais à celui de …1988 qui vit Mitterrand confortablement réélu, avec 54 % des voix, alors que, deux ans plus tôt, plus de 50% des Français ne lui faisaient plus confiance. Entre ces deux dates, il y eut la cohabitation avec Chirac sur qui retomba l’impopularité d’une politique de rigueur. La cohabitation serait donc la seule chance pour Hollande d’être réélu. Et ceux qui lui suggèrent la dissolution lui font remarquer qu’en 1986 Chirac était populaire comme premier opposant au socialisme. Ce serait plus facile en 2017 car Copé, actuel président de l’UMP, est presque aussi impopulaire que lui et la logique institutionnelle voudrait que ce soit lui qu’il appellerait pour former le gouvernement de cohabitation. (L’Elysée écartant la victoire d’un Front national dans le cadre du scrutin majoritaire).
Hollande franchira-t-il le pas ? Acceptera-t-il le pari de perdre les législatives anticipées pour gagner la présidentielle en 2017 ? Nul ne le sait, il garde secrètes ses intentions. Mais certains assurent que, eu égard à son aboulie, le plus probable est qu’après avoir examiné toutes les options, il n’en retienne aucune, se contentant de faire le gros dos en attendant que le salut lui vienne d’une reprise mondiale de l’économie…


Source Bulletin d’André Noël N° 2350 le 4 novembre 2013

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