dimanche 1 septembre 2013

Billets-Entretien avec Robin Wright (House of Cards)


Entretien avec Robin Wright (House of Cards)

L'actrice incarne Claire, la mystérieuse et inflexible épouse de Frank Underwood, le héros de “House of Cards” qui démarre sur Canal +. Son inspiration : Lady MacBeth ou Pénélope dans “L'Odyssée”.


Robin Wright. © Netflix/Sony Pictures Television

  • Vous avez déjà tourné avec David Fincher, au cinéma dans The Girl with the Dragon Tattoo. Est-ce le même réalisateur à la télévision ?
Le même, mais en plus pressé, parce qu'il a moins de temps.

  • Alors il n'a pas le temps de faire cent prises par scène ?
Il en fait 98 (rires). Je ne suis pas sûre qu'il se remettra à la réalisation pour la saison 2, car ça a été un peu un choc pour lui de devoir aller plus vite. House of Cards reste à mon sens une série hautement « fincheresque ».

  • C'est-à-dire ?
Il a un sens du cadrage unique, que l'on fait étudier en école de mise en scène. Ce n'est pas une question d'objectif, ni une question de technique. Il veut sentir les personnages, leur pouls, leur rythme, leur façon de se déplacer dans l'espace. Pour Claire Underwood, il m'a demandé de bouger le moins possible. Je suis naturellement quelqu'un qui remue beaucoup. David m'a dit « assieds-toi derrière ce bureau, décroise les jambes, et ne bouge plus. » Cette simple indication m'a permis de comprendre le personnage : elle est presque un buste de marbre, une Lady MacBeth inflexible, figée, qui va peu à peu laisser une femme percer sous le marbre.

  • Vous parlez de cadre, mais le cadrage peut-il être le même à la télévision et au cinéma ?
Ce n'est pas tant une affaire de cadre pur, mais de comment on saisit le personnage, de la proximité que l'on parvient à créer, et la télévision est justement une affaire de proximité. C'est pour ça que les gens se glissent dans leurs lits, des heures durant, avec leur ordinateur sur les genoux.

  • Avez-vous vu la série originale britannique ?
Non, et je ne compte pas la voir. J'ai eu d'abord très peur de me sentir contrainte d'imiter le modèle, et puis on m'a dit qu'elle n'était pas si importante. De toute façon, je ne regarde pas la télé. Pas plus que je voulais en faire, d'ailleurs. Quand David m'a dit : « tu es au courant que c'est le futur ? », je lui ai dit « ouais, ouais, c'est ça. » Il m'a fallu du temps pour comprendre que j'allais avoir la chance de développer un personnage sur la durée, que je ne serais pas limitée à donner la réplique à Kevin Spacey.

  • Il y aura au moins 26 épisodes en deux saisons. Comment vivez-vous cette expérience sur la durée ?
C'est très spécial. On nous donne la possibilité de participer, de donner notre avis, de faire des propositions, de faire évoluer notre personnage. Nous avons une grande liberté d'improvisation, et nous sommes en contact permanent avec les scénaristes, qui sont sur le tournage. Il arrive souvent que nous ayons une idée, d'un coup, pendant une répétition. Eh bien, nous pouvons agir sur le scénario à ce moment-là. Il y a une profondeur de lecture unique pour nous, qui nous permet de saisir les sous-textes et les subtilités des personnages comme nulle part ailleurs.

  • Voyez-vous Claire comme une femme d'homme politique crédible ?
Je ne sais pas, et je pense qu'à moins d'être intime avec la femme d'Al Gore ou celle de Bill Clinton, on peut difficilement prétendre savoir à quoi ressemble leur vie. Tout ce qu'on sait, c'est ce que les médias nous laissent voir... et c'est souvent mensonger. Je n'ai donc pas voulu m'inspirer de ce que je voyais, mais plutôt de personnages fictifs : Lady MacBeth ou Pénélope dans l'Odyssée.

  • On vous a beaucoup vu dans des rôles de femmes trompées, loin de celui de Claire. Ça vous change, non ?
C'est comme ça que ça se passe à Hollywood. On ne m'a jamais proposé de comédie, pas plus qu'on a proposé des rôles dramatiques à Meg Ryan. Si le public vous aime dans un type de rôle, que le box-office suit, vous en sortirez difficilement. Il faut un réalisateur qui vous fasse confiance, et prenne un risque.


Francis Underwood (Kevin Spacey), Claire Underwood (Robin Wright) et Doug Stamper (Michael Kelly), House of cards. © Netflix/Sony Pictures Television

  • Frank est maléfique, mais séduisant. Comment expliquez-vous cette dualité ?
L'art de la guerre est un art. Pour atteindre le sommet du pouvoir, il faut être incroyablement méticuleux. Il faut analyser le moindre de ses rouages, et savoir se faire craindre. Je ne crois pas que Frank soit « séduisant » au sens charmant du terme, il est plutôt calculateur, manipulateur, et du coup, passe pour séduisant.

  • Pensez-vous que la série porte un regard cynique sur la politique, ou qu'elle est au contraire réaliste ?
Je ne sais pas si les personnages sont crédibles, mais le fonctionnement de la machine politique l'est certainement : les sacrifices, les concessions, les médiations, les souffrances, tout ce qu'il faut endurer pour simplement faire voter une loi.

  • Les fictions risquées ont longtemps été produites par les chaînes câblées. House of cards a été produite par Netflix et directement mise en ligne. Internet serait-il le nouvel El Dorado ?
Sans doute. Ça risque de devenir le meilleur endroit où aller pour les comédiens. Peu importe la taille du rôle. Ce que l'on demande, c'est un rôle intéressant, différent, pas un gros rôle. Et les séries comme House of Cards offrent cette opportunité. De toute façon, au cinéma, il n'y a plus que Ironman, Batman et tout ce qui finit par « man » pour faire de l'argent. Le cinéma ne fait plus que du divertissement. Le cœur du drame bat à la télé.

Propos recueillis par Pierre Langlais
Source telerama.fr

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