samedi 21 avril 2012

Lectures Sébastien Rutés-Mélancolie des corbeaux



Sébastien Rutés
Mélancolie des corbeaux
(4ème de couverture)
Au parc Montsouris, le long des pentes de la voie ferrée désaffectée, Karka le Corbeau freux vit en ermite dans un arbre. Dédaigneux des Pies bavardes et des Canards cancaniers, ses voisins, il coule des jours mélancoliques à contempler le passage des nuages et la vie sur les rives du bassin, depuis qu'autrefois son aile fut brisée par un Epervier.
Aux questions amères que lui inspire son destin il ne trouve pas d'autres réponses que celles que lui dicte l'instinct, dont il ne se satisfait guère. Animal marginal, il ressasse en solitaire sa nostalgie des forêts jusqu'au jour où les Mouettes colportent au parc la rumeur de la disparition des bêtes du bois de Boulogne et que Krarok, le Grand Corbeau du Conseil des animaux de Paris, se résout enfin à le faire mander, après toutes ces années.
Dans la charpente de Notre-Dame, où Krarok tient audience sous l'Aigle mystique de saint Jean, ont lieu les retrouvailles et la révélation : des Lions rôderaient dans les bois de Paris ! Avant qu'ils ne s'en prennent aux Humains, Karka, l'ancien messager oublié des conseillers, doit mener l'enquête avec une Tourterelle imbue de sa blancheur, une séduisante Corneille et un fantasque Toucan qu'il a libéré de sa cage...
Avec Mélancolie des corbeaux, son premier roman à paraître dans la collection « Actes noirs », Sébastien Rutés compose une variation étrange et envoûtante sur le roman d’investigation, à mi-chemin entre la fable animalière et le conte philosophique.
Maître de conférences, Sébastien Rutés enseigne la littérature latino-américaine. Spécialiste des genres, il a publié de nombreux articles universitaires sur le roman policier hispano-américain et un essai consacré au Mexicain Paco Ignacio Taibo II. Il est l’auteur de plusieurs nouvelles, en espagnol et en français, et de deux romans publiés aux éditions L’Atinoir : Le Linceul du vieux monde (2008) et La Loi de l’Ouest (2009).
(1ere phrase :)
Sur les hauteurs du parc Montsouris, les féviers d’Amérique poussent le long des pentes de la voie ferrée désaffectée.
(Dernière phrase :)
Désormais, mon aile peut blanchir en paix.
239 pages – Editions Actes Sud 2011

(Aide mémoire perso :)
Si son espèce est plutôt grégaire, le vieux corbeau préfère aujourd’hui sa solitude. Il fut autrefois un véritable bourlingueur, vie trépidante qu’il regrette. Une blessure à l’aile, qui le fait encore souffrir, l’obligea finalement à s’installer à Paris: “Jusqu’à mon accident, je n’y venais que rarement. Mes migrations occasionnelles ne survolaient pas la capitale, et ce n’était qu’à l’appel de Krarok que je quittais l’abri des futaies alpines.”
Logeant dans la charpente de Notre-Dame, Krarok est le maître du Conseil des animaux de Paris. Karka et lui sont amis de longue date. Karka s’est éloigné de cette assemblée, non seulement à cause de sa blessure, mais sans doute car il n’a guère de sympathie pour le Grand Duc Bubo. Des faits inquiétants se déroulant depuis peu au Bois de Boulogne, Krarok charge son ami d’une mission. On signale la disparition de bêtes, sans que l’on retrouve les corps.
On soupçonne des lions d’avoir pris possession du Bois. Ce qui, bien sûr, ne correspond à aucune répartition des zones animalières parisiennes prévues par le Conseil. Pour éclaircir l’affaire, les vieilles méthodes de Karka seront probablement les plus efficaces. Il commence par interroger Léon, le vieux lion emprisonné au Jardin des Plantes. Karka apprend ainsi la disparition suspecte de Pfurr, le chat du gardien. Il existe certainement un lien avec l’affaire des lions.
Entre la jeune corneille mantelée qui s’est installée en voisine, et la tourterelle émissaire du Conseil qui ne manque pas d’aplomb, Karka se sent flatté que de belles oiselles s’intéressent à lui. Tandis qu’il enquête sur le cas de Pfurr dans un refuge SPA, où tant de chats sont encagés, Karka libère un toucan enfermé. Ce Jérémie ne tarde pas à le rejoindre au Parc Montsouris.
“Il y avait trop de félidés dans cette affaire de fauves. C’était du côté des chats qu’il me fallait enquêter” conclut Karka après ses premières investigations. Toutefois, la fréquentation des siamois n’est pas sans danger même s’ils nient être impliqués. Il y aurait encore la piste plus hasardeuse d’un cirque, dont les animaux se seraient échappés. L’hiver arrivant sur Paris, l’enquête de Karka s’enlise dans le silence et le froid. Néanmoins, les sourdes tensions qui règnent entre animaux vont pousser le corbeaux chevronné à réagir… 
Dans tous les polars, on croise fatalement de drôles d’oiseaux, quelques trop crédules pigeons, plus souvent des rapaces que des blanches colombes. Les détectives y laissent souvent des plumes, tandis que des volatiles appelés poulets n’ont pas toujours le beau rôle. D’habitude, le corbeau est celui qui expédie des dénonciations anonymes. La noirceur de son plumage, ses croassements narquois, et son goût des déchets parfois sanglants, en font un oiseau patibulaire, sinon morbide autant que néfaste. Il était temps de réhabiliter l’image trop sinistre du corbeau. Au nom de ces bêtes à plumes, remercions Sébastien Rutès.
Conte animalier polardeux ? Oser l’inventivité, tenter la différence, voilà une expérience trop rare chez la plupart des auteurs. Qu’importe de classer ce livre parmi les romans noirs, les œuvres hors normes ou autres catégories formatées. Ne ghettoïsons pas, n’imposons pas de frontières, évitons les étiquettes. Applaudissons quand un romancier imagine une intrigue excentrique, inspirée. Soyons curieux des formes singulières, de ce décalage qu’on nous propose ici.

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